Institut d’Economie Rural : Les droits des agents violés allègrement !

Institut d’Economie Rural : Les droits des agents violés allègrement !

Recrutements irréguliers au niveau des centres de recherche agronomique de Sotuba, de Niono et de Sikasso ; emploie irrégulier des agents contractuels de l’Etat et des fonctionnaires non détachés, bref, aucun agent de l’IER ne dispose de contrat de travail établi par la Direction Générale, cela en violation des dispositions du manuel de gestion du personnel de l’IER.

Créé en 1960 par l’Ordonnance n°59/PG-P du 29 novembre 1960, l’IER a été érigé en mars 2001 en Etablissement Public à caractère Scientifique et Technologique par l’Ordonnance n°01-024/P-RM du 22 mars 2001. Les missions qui lui sont assignées participent à l’atteinte des objectifs de la politique de développement Agricole. Il s’agit entre autres de : contribuer à la définition et à la mise en œuvre des objectifs et des moyens de recherche et d’étude au service du développement rural ; élaborer et mettre en œuvre les programmes de recherche agricole, assurer un appui technique au développement agricole ; contribuer à la formation et à l’information scientifique et technique du personnel de la recherche et du développement agricole ; procéder à la mise au point de technologies appropriées pour l’accroissement de la production et l’amélioration de la productivité du monde rural etc.

Cependant, la gestion de cette structure par excellence de recherche dans le domaine Agricole est remise en cause par des irrégularités administratives et financières qui sont susceptibles d’impacter son efficacité.

Selon un rapport de vérification, (exercices 2019, 2020, 2021 et 2022), le Bureau du Vérificateur général, a évoqué des dysfonctionnements de contrôle interne.

L’équipe de vérification a constaté l’absence d’acte de nomination des membres du Conseil d’Administration, l’absence d’un plan annuel de recrutement, le non-respect des dispositions du décret relatives à la tenue des sessions du Comité de Gestion, le recrutement irrégulier du personnel, le non-respect du principe de séparation des fonctions d’Ordonnateur et de Comptable Public, l’emploi irrégulier d’agents contractuels de l’Etat et de fonctionnaires non détachés, affectés à l’IER, le non-respect des délais convenus dans l’arrêté de détachement, l’absence de décision fixant les loyers des logements d’astreinte, l’absence de contrat dans les activités commerciales, la non-tenue régulière des documents de la comptabilité-matières.

L’IER n’établit pas de contrat de travail avec ses agents

L’article 6 du Décret n°01-184/P-RM du 24 avril 2001 fixant l’organisation et les modalités de fonctionnement de l’Institut d’Economie Rurale dispose : « L’Institut d’Economie Rurale est dirigé par un Directeur Général nommé par décret pris en conseil des Ministres, sur proposition du Ministre chargé des attributions de tutelle. […]. Il exerce les pouvoirs nécessaires à l’exécution de sa mission. A cet effet, il est notamment chargé de : exercer l’autorité sur le personnel qu’il recrute et licencie dans le cadre de la législation en vigueur ;

Ainsi, les conditions de recrutement nomination du Manuel de gestion du personnel l’IER précise : « Le personnel de l’Institut est recruté et régi conformément aux dispositions du présent manuel de gestion du personnel. Tout le personnel de l’Institut est recruté comme contractuel. L’application de ce statut aux fonctionnaires exige un détachement auprès de l’Institut. »

Malgré cette disposition, il ressort, après un entretien avec l’intérimaire du chef du Bureau des Ressources Humaines de la Direction Générale et les Directeurs des CRRA de Niono, Sikasso et de Sotuba, que la Direction Générale de l’IER n’établit pas de contrat de travail avec ses agents. Il s’agit du personnel détaché et des contractuels de la Direction. « Aucun agent de l’IER ne dispose de contrat de travail établi par la Direction Générale », affirme le rapport. L’absence de contrat de travail avec les agents ne permet pas de connaître les droits et obligations des employés et de prévenir les litiges susceptibles de naître dans les relations contractuelles.

Enfin, l’absence de droit de travail ouvre la voix aux licenciements abusif des agents comme ce fut le cas en octobre dernier où 16 agents contractuels au niveau de la Direction du Centre Régional de Recherche Agronomique de Sotuba (CRRA), ont été virés comme des malpropres puis remplacés.

L’IER emploie irrégulièrement les agents contractuels de l’Etat et des fonctionnaires non détachés

L’article 20 de la Loi n°96-015 du 13 février 1996 portant statut des Etablissements Publics à caractère Scientifique, Technologique ou Culturel dispose : « Le personnel des Etablissements Publics à caractère Scientifique, Technologique ou Culturel peut comprendre : des agents de l’Etat en position de détachement ; des agents engagés conformément au régime applicable au personnel des Etablissements Publics à caractère Scientifique, Technologique ou Culturel ou au Code du travail le cas échéant ; des agents mis à sa disposition au titre de l’assistance technique ». Tout le personnel de l’Institut est recruté comme contractuel. L’application de ce statut aux fonctionnaires exige un détachement auprès de l’Institut. »

L’article 51 de la Loi n°02-053 du 16 décembre 2002 modifiée, portant statut général des fonctionnaires dispose : « Le détachement auprès d’une collectivité territoriale, d’un organisme public personnalisé, d’une institution internationale, d’un projet ou d’un établissement privé ne peut s’effectuer que sur demande circonstanciée de l’institution intéressée et à la condition que cette dernière s’engage à utiliser le fonctionnaire détaché conformément à la demande initiale et que la durée du détachement soit respectée, sauf un préavis de trois mois et les arrangements financiers nécessaires. »

Ces dispositions sont foulées au sol à l’IER qui emploie irrégulièrement les agents contractuels de l’Etat et des fonctionnaires non détachés qui lui ont été affectés. Il en résulte selon le rapport que, sur les 464 fonctionnaires employés à l’IER, 348 sont des fonctionnaires non détachés. Aussi, 76 sont des contractuels de l’Etat, soit un total de 424 en situation irrégulière.

Subséquemment, l’emploi irrégulier des agents contractuels de l’Etat et des fonctionnaires non détachés affectés à l’IER ne garantit pas la stabilité au sein du personnel et ne permet pas à l’IER de procéder aux recrutements selon ses besoins.

Aussi, l’IER ne respecte pas les termes des délais accordés aux personnels détachés. « En effet, les arrêtés de détachement des fonctionnaires et enseignants-chercheurs arrivés à terme ne font pas l’objet de renouvellement après les 5 premières années. Ceux pour lesquels les renouvellements sont expirés n’ont pas fait de rappel à l’activité et demeurent toujours à l’IER dans un statut irrégulier. Ainsi, ces fonctionnaires ou enseignants-chercheurs, malgré l’expiration de leur période respective de détachement (5 ans) ou plus selon le cas, continuent de travailler à l’IER dans des situations irrégulières jusqu’à leur admission à la retraite en violation des dispositions suscitées », note le rapport qui prévient que le non-respect des délais convenus dans l’arrêté de détachement ne garantit pas une bonne gestion des ressources humaines.

En plus de cette gestion administrative scandaleuse, il est reproché à l’IER des irrégularités financières d’un montant de46.264.208 FCFA. Elles font suite : au non-reversement des recettes collectées au titre des ventes de semences au SRA de Cinzana pour un montant de 10 839 500 FCFA ; au non-reversement des coûts indirects à la Direction Générale pour un montant de 27 310 927 FCFA ; au non-paiement des loyers des logements d’astreintes pour un montant de 3 443 500 FCFA ; au non-paiement des droits d’enregistrement par des titulaires de marchés d’un montant de 4 670 281 FCFA.

Les faits relevés dans le rapport de vérification et qui sont susceptibles de constituer des infractions à la loi pénale et à la législation budgétaire et financière concernant ces irrégularités financières ont été dénoncés au Procureur de la République chargé du Pôle National Economique et Financier et transmis au Président de la Section des Comptes de la Cour Suprême et au Directeur Général des Impôts.

Daouda T Konaté

Source: L’Investigateur

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