Programme des logements sociaux: Les raisons du surendettement de l’OMH

Programme des logements sociaux: Les raisons du surendettement de l’OMH

L’Office Malien de l’Habitat (OMH), acteur majeur de l’accès au logement social au Mali vit une situation de surendettement qui compromet dangereusement le programme des logements sociaux. Les raisons de ce chaos sont entre autres : de graves dysfonctionnements du contrôle interne concernent essentiellement l’immixtion de la tutelle dans les prérogatives de la Direction Générale de l’OMH ; le non-respect des procédures de passation de marchés ; le non-respect des clauses des conventions et dans la réception des voiries et réseaux divers ; les irrégularités financières relatives à la signature d’avenants qui ont majoré les prix d’achat des logements, l’autorisation de la prise en charge de travaux supplémentaires ou accordé des paiements indus à des sociétés immobilières ; la non-justification d’achats de titres fonciers. Le montant total des irrégularités financières s’élève à 44.131.028.483 FCFA.

Ce sont essentiellement les griefs formulés par une équipe du Vérificateur Général qui a mené une mission de vérification financière dans le cadre de gestion des conventions et contrats de construction des logements sociaux,des marchés des voiries et réseaux divers et des équipements collectifs dansle District de Bamako et la Région de Koulikoro exercices 2015, 2016, 2017, 2018, 2019, 2020 et 2021.

Les dysfonctionnements du contrôle interne concernent essentiellement l’immixtion de la tutelle dans les prérogatives de la Direction Générale de l’OMH ; le non-respect des procédures de passation de marchés ; le non-respect des clauses des conventions et dans la réception des voiries et réseaux divers.

Les prix d’achat des logements de 14 programmes majorés à 22.906.716.678 FCFA

Selon le rapport de la mission de vérification, le Directeur Général de l’OMH et le Directeur National de l’Urbanisme et de l’Habitat ont procédé à la majoration irrégulière des prix d’achat des logements sociaux. L’incidence financière globale de la majoration irrégulière des prix d’achat des logements sociaux des 14 programmes immobiliers concernés est de 22 906 716 678 FCFA.

A en croire à la mission de vérification, les prix d’achat hors taxes (HT) des logements fixés dans les conventions signées entre l’OMH et les promoteurs immobiliers ont été irrégulièrement augmentés au cours du changement du régime fiscal et douanier desdites conventions en toutes taxes. «…suite à la réunion du 20 septembre 2016, tenue à l’OMH sur la correction du régime fiscal et douanier des conventions de partenariat, une commission a été mise en place. Cette commission a retenu d’intégrer, au montant des conventions initiales, les droits de douane aux taux de 3%, la patente sur marché au taux de 3,125% et la TVA au taux de 18%, soit un taux global de 24,125%. Pour la mise en œuvre de cette mesure, le DG de l’OMH a demandé suivant plusieurs correspondances, au Directeur National de l’Urbanisme et de l’Habitat d’examiner les nouveaux devis qui lui ont été soumis par les sociétés immobilières. Pour sa part, le Directeur National de l’Urbanisme et de l’Habitat, au lieu d’appliquer directement le taux global sur les prix d’achat des logements convenus dans les conventions initiales, a irrégulièrement révisé à la hausse, à travers des devis corrigés, les prix d’achat hors taxes des logements. Le DG de l’OMH a entériné ces devis corrigés reçus à travers la conclusion de 14 avenants », rapporte l’équipe de vérification.

9 642 668 849 FCFA indûment payés aux sociétés immobilières

Le rapport du vérificateur général indique que le DG et l’Agent comptable de l’OMH ont payé des incidences fiscales et douanières indues aux Sociétés immobilières DENTAL-BTP-SA et DIPEX-SA dans le cadre de l’exécution de leurs conventions de partenariat pour la réalisation et la cession des logements sociaux. «…ils ont émis 12 traites d’un montant total de 19 563 315 550 FCFA aux sociétés DENTAL-BTP-SA et DIPEX-SA pour le paiement de l’incidence fiscale et douanière de la réalisation des 2 450 logements prévus, alors que seulement 1 262 logements ont été réalisés à la date du 31 décembre 2021, pour une incidence fiscale et douanière due de 7 580 666 331 FCFA. La Société DENTAL BTP-SA a bénéficié de huit (8) traites d’un montant total de 8 433 246 600 FCFA émises le 7 avril 2017. Au compte de cette société, 462 logements ont été réalisés sur 1 000 logements prévus, soit une incidence fiscale et douanière indue de 4 709 590 734 FCFA. La Société DIPEX-SA a bénéficié de quatre (4) traites d’un montant de 5 378 409 050 FCFA émises le 15 janvier 2018 et de quatre (4) traites d’un montant de 5 751 659 900 FCFA émises le 4 juillet 2018. Au compte de cette société, 800 logements ont été réalisés sur 1 450 logements prévus, soit une incidence fiscale et douanière indue de 4 933 078 115 FCFA. En somme, le montant des traites d’incidence fiscale et douanière indûment émises au compte des Sociétés immobilières s’élève à 9 642 668 849 FCFA. De plus, l’étalement des paiements sur trois ans n’a pas été respecté », peut-on lire.

Des TF acquis à hauteur de 4 279 316 000 FCFA introuvables !

Autre délit et non des moindres, est l’incapacité du Directeur Général et l’Agent comptable de l’OMH de fournir les copies authentiques de 13 titres fonciers achetés avec quatre sociétés immobilières. Il s’agit de cinq (5) TF de DIPEX SA, de quatre (4) TF de JUMEAU IMMOBILIERE, de trois (3) TF de SOPROMAC- IMMOBILIERE-SA et d’un (1) TF de TRANSROUTE-SARL. Selon le rapport, sur un total de 45 TF achetés avec les sociétés immobilières dans le cadre de la réalisation des programmes immobiliers, ils n’ont pas pu présenter les copies authentiques de 13 TF à l’équipe de vérification. Les cinq (5) TF achetés avec la Société DIPEX-SA n’ont abrité aucun programme immobilier puisque les logements ont été réalisés à N’Tabacoro sur des parcelles appartenant à l’Etat. Sur les quatre (4) TF achetés avec la Société JUMEAU IMMOBILIERE, un (1) est au nom de la Société BANGA IMMOBILIERE SARL et trois (3) au nom de la Société KOME IMMOBILIERE SARL.

Le TF acheté avec la Société TRANSROUTE SARL est au nom de BANGA IMMOBILIERE SARL et n’a pas abrité de programme immobilier puisque les logements ont été réalisés à N’Tabacoro sur des parcelles appartenant à l’Etat. Enfin, ils ont acheté, avec la Société SOPROMAC-IMMOBILIERE-SA, les TF n°9649, 16358 et 6056 qui ont déjà été épuisés au terme de leur morcellement respectif en 42 titres fonciers individuels, 20 titres fonciers individuels (TFI) et 92 TFI, soit un total de 154 TFI.

Les TF de JUMEAU IMMOBILIERE, de TRANSROUTE- SARL et de SOPROMAC-IMMOBILIERE-SA ont été intégralement payés. Pour les TF de DIPEX-SA, seulement l’acompte de 20 % du coût du foncier a été payé par virement bancaire. Le coût total des TF achetés et dont les copies authentiques n’ont pu être présentées à l’équipe de vérification se chiffre à 4 279 316 000 FCFA.

5 375 009 448 FCFA irrégulièrement payés à 5 programmes immobiliers

Le rapport révèle que le DG de l’OMH et le Directeur National de l’Urbanisme et de l’Habitat ont autorisé la prise en charge irrégulière des travaux supplémentaires de cinq (5) programmes immobiliers. Il s’agit du programme de 500 logements de la Société TRANSROUTE-SARL, du programme de 600 logements de la Société GROUPE BATHILY Sarl, du programme de 1 200 logements de la Société JUMEAU IMMOBILIERE à N’Tabacoro, du programme de 600 logements de la SIFMA à Kati-Sicoro et du programme de 1 000 logements de la Société SOPROMAC-IMMOBILIERE-SA à Kati-Kambila. En effet, le DG de l’OMH a, par des avenants, admis des devis de prise en charge des travaux supplémentaires qu’il a reçus des Sociétés immobilières et soumis à l’approbation du Directeur National de l’Urbanisme et de l’Habitat.

Ces avenants déplore la mission de vérification, sont intervenus en dépit des clauses relatives à la non- variation des prix d’achat des logements et à l’engagement des sociétés à prendre en charge toutes les sommes excédant les prix convenus. Pour le programme de 500 logements de TRANSROUTE SARL, le DG de l’OMH et le Directeur National de l’Urbanisme et de l’Habitat ont justifié la prise en charge des travaux supplémentaires par le transfert du site de Kati-Sicoro à N’Tabacoro où le site longe le marigot et présente des dénivelés en partie, contrairement à celui prévu par la convention initiale à Kati-Sicoro qui a servi de référence pour le montage du programme. Pour le programme de 600 logements de la Société GROUPE BATHILY Sarl et le programme de 1 200 logements de JUMEAU IMMOBILIERE, ils ont justifié la prise en charge des travaux supplémentaires par un dépassement significatif des hauteurs moyennes des soubassements de certains logements liés à la morphologie du terrain mis à leur disposition sur le site de N’Tabacoro où la réalisation des programmes immobiliers était initialement prévue. Pour la Société SOPROMAC-IMMOBILIERE- SA, ils ont justifié les travaux supplémentaires par le terrassement de la grande dépression et des modifications des fondations sur des parcelles que la société a vendues à l’OMH. Enfin, pour le programme de 600 logements de la SIFMA, l’avenant relatif à la prise en charge des travaux supplémentaires a été signé le 11 août 2017 alors que les travaux ont été réceptionnés le 24 avril 2017 sur des parcelles que la société a vendues à l’OMH. Le montant total des travaux supplémentaires irrégulièrement pris en charge est de 5 375 009 448 FCFA.

159 991 492 FCFA jetés par la fenêtre pour travaux hors sites non réalisés

Toujours selon le rapport, le DG et l’Agent comptable de l’OMH ont payé, à la Société SOPROMAC-IMMOBILIERE-SA, la totalité du montant des travaux hors sites sans lui exiger la garantie bancaire requise. En effet, ils ont délivré, le 27 février 2018, deux traites d’un montant total de 2 767 090 746 FCFA à la SOPROMAC-IMMOBILIERE-SA pour le paiement des travaux hors sites et supplémentaires sur les sites de logements sociaux de Samaya, Kangaba, Yanfolila, Kolondieba, Yorosso, Fana, Dioïla et Kati-Kambila. Sur ce montant, le coût des travaux hors sites de Kati-Kambila, Samaya, Fana, Dioïla et Kangaba, tous de la Région de Koulikoro, est de 2 506 577 959 FCFA. Le paiement des travaux hors sites n’a été basé ni sur la garantie bancaire requise ni sur des procès-verbaux de réception des travaux. Les travaux du site de Kangaba ont été réceptionnés le 25 septembre 2019, soit plus d’un an et demi après le paiement. L’équipe de vérification n’a observé aucune réalisation de travaux hors sites à Fana et à Dioïla, visités respectivement les 3 et 5 août 2022, avec le représentant de l’OMH et l’Ingénieur des Constructions Civiles. Le montant total du paiement des travaux hors sites de Fana et Dioïla non-réalisés et non-couverts par une garantie bancaire est de 159 991 492 FCFA.

Comme cela ne suffise pas, le Directeur Général et l’Agent comptable de l’OMH ont fait des paiements indus à des sociétés immobilières dans le cadre de l’achat de titres fonciers. Il s’agit de : KOME Immobilière et JUMEAU IMMOBILIERE. En effet, pour la Société KOME Immobilière, le DG et l’Agent comptable de l’OMH ont acquis des TF d’une superficie réelle de 19 ha 98a 47ca au prix de TF d’une superficie de 30 ha mentionnée dans la convention, soit un surplus de paiement de 667 175 886 FCFA. Pour la Société JUMEAU IMMOBILIERE, ils ont acquis des TF d’une superficie réelle de 19 ha 73a 31ca au prix de TF d’une superficie de 30 ha mentionnée dans la convention, soit un écart de 135 065 176 FCFA entre l’acompte de 20 % du foncier payé par virement bancaire et le montant dû. Le montant total des paiements indus aux promoteurs immobiliers dans l’acquisition des TF s’élève à 802 241 062 FCFA.

Aussi, le Directeur Général et l’Agent comptable de l’OMH la totalité du montant de la convention de partenariat pour la réalisation et la cession de 600 logements, partiellement exécutée par la SIFMA. A en croire le rapport, ils ont émis, le 15 mai 2017, 11 traites d’un montant total de 1.4.679.518.267 FCFA à la SIFMA bien qu’elle n’ait pas honoré son engagement, pris par lettre N/R : 0032/DGA/SIFMA SA/2017 du 26 avril 2017, à lever toutes les réserves constatées dans un délai de 2 mois après la réception provisoire. Le contrôle d’effectivité réalisé, le 30 juin 2022, par l’équipe de vérification en compagnie du chef du Département des Etudes et Planification de l’OMH, de l’agent du contrôle de la DNUH et de l’Ingénieur des Constructions Civiles mis à disposition par le Ministre chargé de l’Habitat, a constaté que les réserves ne sont pas levées. A la demande du Ministre en charge de l’Habitat, la DNUH a estimé, le 11 juin 2020, le coût des réserves à 921 237 922 FCFA.

D T Konaté

Source: L’Investigateur

Loading

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *